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a man in a suit looking at a wheel well, trying to diagnose an issue

L'Eco Repair Score®, le Nutri-Score de la réparation?

En Belgique, l'assureur Axa a adopté un outil d'évaluation environnementale des activités de réparation automobile. Baptisée Eco Repair Score, cette solution a été lancée par Le cabinet d'expertise Vonck et l'institut de recherche Vito. Elle pourrait bientôt faire son apparition en France.

Mesurer l’impact environnemental de la réparation d’un véhicule en lui attribuant une note : telle est l'ambition de l’Eco Repair Score. En effet, ce nouvel outil serait capable de déterminer la durabilité des activités de carrosserie en les notant de À à E - suivant le modèle du Nutri-Score pour l’alimentation. Il s'appuie sur une analyse du cycle de vie (ACV) de l’intervention de l’atelier. Celle-ci repose sur un Calcul intégrant des données de réparation et 18 catégories d'impact environnemental (dont les émissions de CO). Concrètement, cet outil distingue le recours aux pièces neuves ou issues de l’économie circulaire (Piec), les réparations localisées, le débosselage sans peinture, etc. Il évalue l'impact environnemental de la fabrication de pièces neuves, des ingrédients peinture, des emballages et de leur transport vers l'atelier. Ce n’est pas tout : le calcul de l’Eco Repair Score inclut aussi la consommation d'énergie de l'atelier ainsi que le recyclage des pièces, des consommables et de leur emballage. 

 

Promouvoir les bonnes pratiques 

Cet outil a été mis au point par le cabinet d'expertise belge Vonck, associé à l'institut de recherche environnementale Vito (équivalent de l’Ademe). Son développement a nécessité deux ans de travail. Les concepteurs de l'outil indiquent avoir notamment commandé plus de 1000 pièces pour vérifier leurs informations et les modéliser. Ces recherches leur permettent aujourd’hui de s’appuyer sur une base de données de 3600 modèles de véhicules. L'Eco Repair Score a déjà séduit la filiale belge d’Axa, qui a annoncé l’avoir adopté en novembre 2023 pour évaluer tous ses dossiers de sinistres. Cette décision intervient après une expérimentation démarrée au début de cette même année.  

“Environ 14000 dossiers en ont bénéficié lors de la phase pilote. Au total, ce sont plus de 100000 réparations qui ont été évaluées”, précise Kévin Le Blévennec, expert en économie circulaire et partenaire du projet. Grâce à cet outil, l'assurance vise à diminuer de 25 % les émissions de CO: de ses dossiers de réparation-collision d’ici à la fin 2026. Parallèlement, la Fédération belge des carrossiers, Febelcar, approuve aussi cet outil. “L’introduction de l'Eco Repair Score répond à la nécessité de réduire l’impact environnemental des réparations de véhicules, en les mesurant sur la base du plus grand nombre possible de catégories d'impact”, souligne Dirk Laenen, président de Febelcar. Il perçoit cet outil comme un moyen de valoriser les pratiques vertueuses dans les ateliers.  

Parmi elles figurent la RSE (responsabilité sociale et environnementale), mise en avant auprès des apporteurs d’affaires. “Il reste aussi extrêmement important pour nous que les réparations Soient correctement remboursées à chaque fois et que les directives des constructeurs sur la sécurité des réparations soient respectées”, précise-t-il. De leur côté, le cabinet Vonck et l'institut Vito aimeraient aujourd’hui élever leur système au rang de label européen, pour favoriser l’essor des bonnes pratiques, tant sur un plan écologique qu'économique.

 

Données moyennes et données spécifiques

Les concepteurs de l’Eco Repair Score prévoient d'affiner encore la précision de leur outil. Mais “il prend déjà en compte à la fois des données moyennes et spécifiques aux ateliers, comme le type de peinture utilisée”, précise Kévin Le Blévennec. Des discussions ont d’ailleurs été engagées avec les fabricants de peinture, dont le groupe BASF qui a fait de la protection de l’environnement l’un de ses chevaux de bataille. Raison pour laquelle les méthodes de séchage à l'air sont, par exemple, favorisées. Les carrosseries les plus vertueuses - dotées de panneaux photovoltaïques, réduisant leurs déchets... — sont aussi mieux notées que leurs voisines. L'objectif final est d'encourager la généralisation des bonnes pratiques environnementales auprès de tous les réparateurs.  

Fort de son démarrage en Belgique, le label veut s'exporter. Ses promoteurs ont notamment noué des contacts en Allemagne et en Espagne. Dans l'Hexagone, le sujet intéresse également plusieurs acteurs de la réparation-collision. “En France, nous avons engagé des discussions avec certaines assurances et flottes. Mais nous avons du mal à susciter de l'intérêt chez les autres acteurs du marché”, note Kévin Le Blévennec. Si ces derniers finissaient par juger cet outil pertinent pour promouvoir leurs efforts environnementaux (lire encadré), ils pourraient s’en emparer avant de se le voir imposé par les apporteurs d'affaires.

 

Des carrosseries de plus en plus propres

Comme toute la société française, les carrossiers s’attachent de plus en plus à préserver l’environnement. Leurs efforts coïncident aussi en partie avec la recherche d’économies. Ainsi, les observations de SRA indiquent qu'ils utilisent de plus en plus de PRE (pièces de réemploi) plutôt que des pièces neuves. Leur présence dans les dossiers de sinistres est passée de 7,7 % en 2017 à 15,5 % en 2023. Parallèlement, ils font de plus en plus attention à leur consommation d'énergie et de peinture - notamment en choisissant les produits les plus vertueux des fabricants. Enfin, ils se soucient aussi davantage du bien-être de leurs salariés. Si ces pratiques sont d’abord apparues chez les réparateurs soucieux d’optimiser leur rentabilité, elles se généralisent avec l'inflation et la pénurie de main-d'œuvre. Consciemment ou non, les carrossiers suivent donc de plus en plus les principes de la responsabilité sociale et environnementale (RSE).  

Mais beaucoup peinent encore à les valoriser auprès de leurs clients et apporteurs d’affaires. Pourtant, ces actions complètent les obligations légales visant déjà à réduire l’impact environnemental de leurs ateliers. En effet, les carrosseries sont classées ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). À ce titre, la réglementation les oblige à trier leurs déchets (depuis 1992) et à les tracer (depuis 2005) jusqu'à leur valorisation. Les réparateurs séparent les déchets dangereux (aérosols, peinture, solvants, huiles, phares au xénon, etc.) et non dangereux (tôle, verre, sellerie, pare-chocs...). Tous sont pris en charge par des prestataires agréés. Les ateliers récupèrent aussi leurs eaux usées. Certains les traitent eux-mêmes avec des séparateurs d'hydrocarbures. Néanmoins, tous ne sont pas encore irréprochables. Ainsi en 2022, la médiatisation de litiges entre une carrosserie marseillaise pour pollutions toxiques et des riverains rappelle que certains doivent encore réaliser des progrès, notamment parmi ceux exemptés des contraintes ICPE (atelier de moins de 2000 m?, etc.). Raison pour laquelle un label valorisant les efforts des réparateurs vertueux pourrait être pertinent. 
 

Un article de Nicolas Girault pour J2R Auto